LE  STÉNOPÉ

La célèbre « caméra à trou » sans lentille.

 

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Avertissement.

Cette page appartient à une suite qui se nomme « L'optique délinquante ». Dans ces conditions vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu'elle soit conforme à l'optique traditionnelle ou académique. Parce que je suis un chercheur, vous pouvez même vous attendre à ce qu'elle contienne certaines erreurs, puisque c'est le lot des chercheurs de s'égarer en sortant des sentiers battus. En effet, peu de chercheurs trouvent, comme l'indique ce mot du général de Gaulle :

« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve.

Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche ».

Une invention chinoise.

Le sténopé est une caméra sans lentille, celle-ci étant remplacée par une simple perforation dont le diamètre est très faible. Le terme anglais « pinhole camera » est donc plus pertinent que l'expression italienne « camera obscura » ou chambre obscure, qui a conduit au mot « caméra ». Le terme français sténopé vient du grec et signifie « petit trou ». Il s'agirait d'une invention chinoise très ancienne (environ 500 ans avant notre ère). On le retrouve ensuite dans la Grèce antique. Au moment de la Renaissance italienne, il a permis d'établir les règles de la perspective selon le fameux « point de fuite ».  

La surface photosensible peut être plane, car la perforation est en fait la « pupille d'entrée » classique des opticiens. Toutefois on préférera assimiler dans cette page cette perforation à la pupille de Schmidt, cette dernière étant placée par définition au centre de courbure d'un système optique dont les éléments sont concentriques. On trouvera des exemples à la page sur la courbure de champ. C'est ce qui justifie la courbure de la surface photosensible proposée un peu plus loin.

La photographie électronique.

En l'espace de quelques années, les matrices CCD électroniques (dispositifs à transfert de charge) ont presque complètement supplanté le film à sels d'argent. Ces nouvelles surfaces photosensibles pourront être faites cylindriques sans trop d'inconvénients. Un jour, parce que c'est le champ sphérique qui ne produit aucune distorsion dès la prise de vue, elles pourront même être faites sphériques en respectant des méridiens et des parallèles.

Le sténopé se distingue parce qu'il exige des matrices à pixels très grands, soit environ un demi-millimètre. On réalisera bientôt, je l'espère, qu'il s'agit d'un avantage considérable sur le film, car plus la surface de la cellule est grande, moins elle exige de lumière.  

Alors adieu le film ennuyeux. Finies les contraintes. On peut enfin imaginer le sténopé montré ci-dessus en version électronique. Il serait nettement plus sensible à la lumière au point de permettre de prendre des « instantanés ». Malgré sa « lentille » rudimentaire, il serait capable de produire des photographies tout à fait remarquables, sous un très grand angle de champ et malgré tout sans aucune distorsion. Elles seraient si bonnes que ses plus ardents défenseurs le renieraient peut-être, faute de mystère et de poésie. 

On montre plus loin que le sténopé présente de très nombreuses caractéristiques avantageuses, mais qu'il est imparfait. Dans le but d'en profiter tout en l'améliorant, on en arrivera finalement au concept du « sténopé à lentille ».

Le champ courbé.

On enseigne en optique que la courbure de champ est une aberration. Au contraire, je montre à la page sur la courbure de champ que Petzval et Seidel ont fait erreur. Très clairement, ils se sont mis le doigt dans l'œil. Et je ne mâche pas mes mots.

Le meilleur exemple est le sténopé montré ci-dessus. Il utilise un surface photosensible courbée, plus exactement cylindrique. Cette courbure conduit si désiré à la projection de Mercator, qui à mon avis deviendra un jour incontournable en photographie. 

En effet, ce sténopé produit une image qui apparaît absolument sans distorsion pourvu qu'elle soit affichée sur un écran également cylindrique, même si on réalise un montage sur 360°. Autre avantage, la luminosité faiblit moins en périphérie. Le fait de l'afficher sur nos écrans plats actuels pose d'ailleurs moins de problèmes que si elle était obtenue à l'aide d'une caméra classique à « champ plat ». Les extrémités gauche et droite présenteront moins de distorsion, surtout si ces extrémités sont visionnées ou imprimées séparément. Il va de soi que ces images auront été réalisées sous un angle de champ relativement grand, car la petite pupille du sténopé est incompatible avec le grand diamètre nécessaire aux téléobjectifs.

En plus clair, un sténopé est obligatoirement une caméra à très grand angle.

Une formule délinquante.

Le point important à retenir, car ce n'est pas ce que le sens commun donne à penser, c'est que plus la pupille est grande, plus l'image est précise. Le problème, c'est qu'il faut allonger la pseudo-focale (la distance entre la pupille et la surface photosensible) en conséquence. Alors la caméra nécessaire deviendrait gigantesque et la luminosité relative par pixel serait moindre, d'où un temps de pose excessivement long, voire impraticable à cause de l'effet Schwarzschild.

On établit généralement la longueur d'onde  l  à 0,00055 mm d'après le vert lime. C'est la couleur médiane du spectre visible, que l'œil perçoit d'ailleurs le mieux. Selon le diamètre D de la pupille, la pseudo-focale F devrait s'établir selon :

F = D 2 / 2,44 l

Mais il y a un hic. La plupart des amateurs (et même la NASA) utilisent la formule de lord Rayleigh, qui donne selon moi une distance insuffisante. Il existe de nombreuses autres formules, mais elles ne sont guère crédibles. Pour que vous puissiez faire un choix judicieux, j'ai donc mis côte à côte les deux formules en conflit. La pseudo-focale F vaudrait :

 

F =  D 2 / 2,44  l

F =  D 2 / 3,61 l

Selon moi.

Selon lord Rayleigh.

 

Pour autant que je sache, ma formule n'est proposée par personne et elle est donc « délinquante ». Toutefois, les opticiens noteront qu'elle s'appuie sur le chiffre d'Airy. Ainsi une pupille de 1 mm exige une pseudo-focale de 745 mm, mais il faudra 2,98 mètres si elle mesure 2 mm. C'est pourquoi un hurluberlu qui parviendrait à construire un sténopé de 3 mètres muni d'une matrice CCD à pixels de 1 mm en tirerait des photographies spectaculaires. Mais ce serait bien inutilement, comme on le montre plus loin.

Plus raisonnablement, je propose dans cette page l'exemple suivant :

D = 0,82 mm        F = 500 mm

Cette distance a été choisie à l'extrême limite du possible dans le but de montrer qu'elle permet d'obtenir des images plus précises. Le film doit bien sûr être courbé sur une surface cylindrique. Il doit aussi être le plus large possible, ce qui suggère au minimum le format 70 mm ou 120-220 pour caméra 6 x 6 cm. La bande peut toutefois atteindre une longueur de 80 cm, ce qui permet 1000 pixels par ligne (800 / 0,82) et donc une image réputée « haute résolution ». Ces pixels étant très grands, on peut surmultiplier la sensibilité du film au développement sans craindre l'augmentation du grain.

Mais l'utilisation du film est en chute libre. Tout porte à croire que les systèmes électroniques se révéleront nettement plus performants dans le cas du sténopé : en profitant d'une augmentation de la sensibilité, on peut réduire la dimension des pixels à la moitié du disque d'Airy. Alors une surface photosensible cylindrique faisant 150 x 300 mm couplée à une pupille de 1 mm peut produire une image acceptable de 366 x 730 pixels. C'est insuffisant mais remarquable, car il faut tout de même réaliser que cette caméra n'a pas de lentille.

La résolution relativement faible est en partie attribuable au fait que la limite de quatre pixels environ par disque d'Airy (selon la limite de Dawes ou de Rayleigh) n'est guère applicable dans le cas du sténopé, comme on le verra plus loin. Plus grave encore, le temps de pose sera désespérément long, voire impraticable sous un faible éclairage à cause de l'effet Schwarzschild (si la lumière décroît de moitié, le temps de pose requis vaut plus du double).

Nous allons donc oublier ici la formule de lord Rayleigh, qui donne une distance insuffisante (ci-dessous, 340 mm avec D = 0,82). La distance de 500 mm convient beaucoup mieux.

À mon avis cette évaluation est en béton. En effet l'ordinateur révèle que la distance idéale de 500 mm correspond au point où le diamètre du disque d'Airy (en voie de formation) est égal au diamètre de la pupille (ici 0,82 mm). Il est très important de réduire le plus possible la perte de résolution attribuable au premier anneau du disque d'Airy. Pour toute distance inférieure, cet anneau est beaucoup trop lumineux et il n'est pas encore détaché du lobe principal, comme le montrent les diagrammes ci-dessous :

 

d 2 / 8 l = 153 mm d 2 / 6 l = 204 mm d 2 / 4 l = 306 mm
d 2 / 3,61 l = 339 mm d 2 / 2,44 l = 500 mm Disque d'Airy idéal.

Quelques diagrammes de rayonnement du sténopé ou du laser.

 

On notera que même à la distance jugée idéale, soit 500 mm, le premier anneau n'est pas tout à fait détaché du disque central. Il accapare encore beaucoup trop de lumière, ce qui nuit à la précision de l'image. Hélas, le disque d'Airy idéal ne se forme qu'à grande distance.

Ce défaut est encore accentué si la source est placée à faible distance et non à l'infini, ce qui fait que le sténopé ne permet pas de faire des plans rapprochés aussi précis, par exemple des portraits. Mais d'un autre côté, il existe de nombreux photographes qui aiment le sténopé précisément parce qu'il produit cet effet de diffusion caractéristique. Dans ce cas, ils ont intérêt à choisir une distance encore plus courte que celle qui a été suggérée par Lord Rayleigh :

F = D 2 / 4 l

F = 306 mm.

Cette distance sera alors doublement avantageuse car elle correspond au point où la luminosité atteint un maximum. Il faudra donc beaucoup moins de lumière ou de temps pour réaliser un cliché. Rappelons que l'effet de diffusion est alors très intense, mais étonnamment la précision de l'image demeure relativement bonne. Il convient toutefois de rappeler que même la distance de 500 mm suggérée dans cette page produit une diffusion considérable.

Sur le diagramme ci-dessous, la distance de 306 mm correspond au trait gris vertical central, alors que la pseudo-focale de 500 mm suggérée correspond plutôt au trait vertical noir montré à droite. La largeur de la pupille est indiquée par les deux traits gris horizontaux.

Il s'agit d'une vue longitudinale du faisceau lumineux qu'on obtient à l'aide d'un point lumineux très éloigné (une étoile réelle ou artificielle), le plan comprenant l'axe optique :

 

L'évolution du faisceau lumineux : le trou du sténopé est situé à l'extrême gauche.

Pour plus de clarté, les proportions sont fortement comprimées dans le sens de la longueur.

La pseudo-focale idéale est indiquée par le trait vertical noir : L = D 2 / 2,44 l = 501 mm.

Le trait vertical central gris indique le point de luminosité maximum : L = D 2 / 4 l = 306 mm.

De droite à gauche, les traits gris correspondent à des nombres de Fresnel « n » allant de 1 à 7.

Le « point noir » le plus éloigné du trou apparaît à la distance  L = D 2 / 8 l = 153 mm.

 

À gauche, le disque d'Airy idéal. À droite, celui que produit le sténopé (D = 0,82) à 500 mm.

Ces diagrammes montrent l'amplitude, et non pas l'énergie qui vaut son carré.

Même à cette distance, le premier anneau n'est pas encore complètement détaché de la tache centrale.

De plus les autres anneaux sont encore trop lumineux, d'où l'effet de diffusion caractéristique du sténopé.

Très souvent, cet effet de diffusion est plus sévère parce la perforation n'a pas été réalisée correctement.

 

Le nombre de Fresnel.

On remarquera le fameux phénomène du « point noir » à 153 mm. Dans l'ensemble, la structure du faisceau correspond à la « diffraction de Fresnel » classique. Les photographes amateurs utilisent les formules qui privilégient le diamètre D du trou, mais Fresnel utilisait plutôt le rayon R, avec raison puisque cela permet de simplifier. C'est ainsi qu'on parle du « nombre de Fresnel », qui est l'entier n dans les équations suivantes, la grandeur L étant la distance de la pupille :

L  =  D 2 / 4 n l

L  =  R 2 / n l

D  =  0,82 mm       R  =  0,41 mm

Il y a d'autres points noirs plus près, car ils se produisent selon n = 2, 4, 6, ... fois la longueur d'onde, soit avec n pair. Lorsque n est impair, on obtient plutôt un « point blanc », c'est à dire un maximum de luminosité. C'est ainsi que le premier point blanc avec un nombre de Fresnel n = 1 se produit à la distance de :

L = D 2 / 4 l

L  =  R 2 / l

L  =  0,41 2 / 0,00055  = 306 mm.

Le point de luminosité maximum.

Il convient donc de souligner qu'il existe une distance pour laquelle la luminosité du disque d'Airy atteint un maximum. C'est très visible sur le diagramme longitudinal montré plus haut. Les photographes qui ont désespérément besoin de lumière la préféreront, mais ce n'est pourtant pas la distance idéale s'ils désirent obtenir la photographie la plus précise possible. Comme on l'a vu plus haut, il arrive que certains photographes recherchent délibérément cet effet ; mais un grand nombre de sténopistes se laissent berner par cette luminosité trompeuse, en tous cas s'ils ignorent que la précision de l'image en souffre.

Cette distance correspond au point où toutes les ondelettes de Huygens et particulièrement celles provenant de la périphérie de l'ouverture plane cessent de se détruire comparativement à celles qui proviennent du centre. Selon Pythagore on peut vérifier que la différence entre la diagonale et la longueur L vaut alors une demi-longueur d'onde. Alors il n'y a plus du tout d'interférences destructives et l'on peut donc s'attendre à ce que la luminosité du disque central atteigne un maximum. Ce n'est qu'au-delà de ce point que la règle du carré de la distance s'applique, du moins en première approximation.

On peut aussi assimiler ce point au fameux « critère de Rayleigh » si cher aux astronomes amateurs qui polissent eux-mêmes les miroirs de leurs télescopes. Il s'agit en effet de faire en sorte que la période des ondelettes de Huygens ne dépasse jamais une demi-longueur d'onde de manière à ce qu'elles ne se détruisent jamais. On a alors un quart d'onde de dénivellation au maximum sur le miroir à cause de l'aller et retour, mais le disque d'Airy est alors quand même imparfait pour la même raison.

Un programme d'ordinateur simple et efficace.

En parfait délinquant, j'ai inventé moi-même le petit programme qui a tracé ces courbes. On pourrait penser qu'il a fallu recourir au calcul différentiel et intégral. Mais non. Je prétends que depuis l'avènement de l'ordinateur, cette méthode dépassée. Ce programme ne fait qu'additionner le sinus et le cosinus de la différence de marche de milliers d'ondelettes fictives, convertie en période d'onde, conformément au principe de Huygens. Sa simplicité est remarquable.

Ceux qui auraient des doutes peuvent télécharger un petit programme fait spécialement à leur intention. Le dossier « zip » contient le programme QuickBasic en mode texte, le code source original et enfin un fichier .EXE qui fonctionne sur tous les ordinateurs sauf Macintosh. On y montre comment quelques centaines de points en guise d'échantillons répartis sur une surface circulaire peuvent produire la courbe caractéristique du disque d'Airy. Ceux qui connaissent la programmation pourront modifier la distance et constater que cette méthode fonctionne. Mes programmes actuels sont beaucoup plus rapides parce qu'ils calculent des arcs de cercle et non des points.

Depuis l'apparition de FreeBASIC, j'ai considérablement amélioré ma méthode de calcul. Si ce n'est déjà fait vous pouvez télécharger ma suite complète sur l'éther de l'adresse suivante :

http://www.glafreniere.com/dossiers/freebasic.zip

Le programme qui reproduit le faisceau lumineux du sténopé se nomme Ether15. J'ai même réussi à adapter cette méthode pour calculer la tache d'Airy : c'est le programme Ether16. Vous constaterez en examinant le code source que contrairement aux opticiens, je n'utilise pas le calcul différentiel traditionnel, qui fait souvent appel à la transformée de Fourier et à l'approximation de Fraunhofer. J'ai plutôt mis au point un algorithme basé sur le principe de Huygens. Le secret de sa grande rapidité, c'est qu'il met en oeuvre des arcs de cercle en nombre limité plutôt que des points en très grand nombre. Il suffit d'en faire la sommation selon le sinus et le cosinus de la distance convertie en période d'onde. À ce jour, aucun opticien n'a voulu admettre que cette méthode est intéressante (elle est même géniale!), mais ça viendra. Tôt ou tard, le simple bon sens triomphera.

Le laser est un « sténopé émetteur ».

Dans le domaine des ondes, tout système récepteur (par exemple une antenne) peut devenir un émetteur. De la même manière, le sténopé utilise une surface circulaire plane équiphasée, c'est à dire sa pupille, en tant que récepteur. Or le laser en tant qu'émetteur produit exactement les mêmes diagrammes, car sa surface émettrice circulaire plane est elle aussi « équiphasée », du moins en principe. Dans les faits, les lasers sont rarement sinon jamais aussi parfaits.

Puisque l'angle de divergence d'un laser correspond au chiffre d'Airy, il devient évident que c'est le « point de jonction » correspondant à l'égalité entre le diamètre de la fenêtre émettrice et celui du faisceau lumineux qui détermine le point où la résolution du sténopé plafonne. Voyons cela.

Le point de jonction.

Le diamètre de la tache lumineuse produite par un point lumineux très éloigné, par exemple une étoile, est égal au diamètre de la pupille si la distance (et donc la pseudo-focale F) correspond au chiffre d'Airy. Cette distance L va de la pupille à ce qu'on peut appeler le « point de jonction » :

L = D 2 / 2,44 l

L = 501 mm.

En se référant à l'angle de divergence d'un laser, on trouve que c'est à cette distance que le diamètre du disque d'Airy est égal au diamètre de la source. Or le diamètre de la tache lumineuse n'est jamais inférieur, puisque le faisceau lumineux est cylindrique entre la pupille et le point de jonction.

On en déduit que la précision de l'image produite par un sténopé augmente jusqu'au point de jonction. Par contre elle plafonne au-delà de ce point parce que le diamètre du disque d'Airy se met alors à augmenter, soit selon l'angle de divergence d'un laser. Il mesure par exemple deux fois 0,82 mm et donc 1,64 mm si la distance vaut le double, soit un mètre.

À mon avis le diagramme ci-dessous le montre d'une manière évidente :

 

Le « point de jonction » représente le meilleur choix.

 

En conclusion.

Considérant les possibilités étonnantes du sténopé, on se prend alors à regretter son manque de précision. Le contraste et la précision d'une image obtenue à l'aide du sténopé ne sont en aucun cas aussi bons que si la pupille était munie d'une lentille très faible de bonne qualité.

Le diagramme ci-dessous est le même que celui qui a été montré plus haut, mais cette fois-ci on lui a superposé celui qu'on obtiendrait avec une lentille dont le diamètre et la focale seraient les mêmes, soit 0,82 mm et 500 mm. On a alors une ouverture relative très élevée de ƒ/ 610, mais on verra plus loin qu'elle permet de faire des miracles :

 

L'ajout d'une lentille améliore le sténopé d'une manière dramatique.

 

Si leur ouverture relative est très élevée (ƒ/ 50 ou plus), les petites lentilles permettent d'obtenir un disque d'Airy pratiquement sans défauts quelle que soit la focale. Mais d'un autre côté le sténopé présente des avantages énormes sur les caméras conventionnelles.

L'ajout d'une lentille permettrait par exemple de régler la mise au point une fois pour toutes sur « l'hyperfocale », soit la focale qui permet de concilier la profondeur de champ avec la distance la plus utilisée. Ceux qui ne font que des portraits pourraient ainsi « mitrailler » leur cible sans se soucier de la mise au point, avec la certitude que leurs images seront à coup sûr d'une précision cristalline.

Après mûre réflexion, on en arrive alors au concept (délinquant) du « sténopé à lentille ».

 

 

LES  STÉNOPÉS  À  LENTILLE

Cette expression semble contradictoire puisque le sténopé est précisément une caméra sans lentille. Mais en réalité le sténopé se distingue d'une caméra conventionnelle sous de nombreux aspects :

  • Il n'y a pas de diaphragme à ajuster.

  • Il n'y a pas de mise au point à faire.

  • L'angle de champ possible sans distorsion peut dépasser 90°, ce qui est considérable. 

  • Pour une résolution donnée, la profondeur de champ atteint sa valeur maximale.

  • Il faut choisir la courbure cylindrique à la fois pour les caméras et pour les écrans parce qu'un tel ensemble produit des images qui apparaissent absolument sans distorsion, même sur 360°. Or seul le sténopé possède la profondeur de champ suffisante pour tolérer une telle courbure.

  • Même si l'écran est plat, la distorsion est bien moindre. C'est particulièrement vrai si cet écran est très large, par exemple celui du cinéma ou d'un téléviseur à haute définition. C'est avantageux aussi lorsqu'on souhaite imprimer ou observer une partie seulement de l'image, particulièrement lorsqu'elle comporte un visage qui se situe dans l'un des coins.

  • Depuis l'avènement des matrices CCD, l'ouverture relative a beaucoup moins d'importance. Ainsi, les sténopés qui ouvrent à aussi peu que ƒ/ 600 ne posent plus de problèmes. C'est dû au fait que la surface de chaque pixel augmente avec l'ouverture. On sait que la sensibilité de chaque cellule CCD augmente avec sa surface, ce qui n'est pas le cas du film ; au demeurant ces cellules sont nettement plus sensibles à la lumière que le film, toutes proportions gardées. Comme lui, elles sont cependant soumises à l'effet Schwarzschild et elles ne répondent plus en dessous d'un certain seuil. Les manufacturiers pourraient produire des matrices cylindriques de grandes dimensions sans trop de problèmes si la demande était forte.

  • La pupille peut être apodisée facilement puisqu'elle est petite et exempte de diaphragme à iris.

Le sténopé représente donc de toute évidence la caméra grand angle idéale. Or l'ajout d'une lentille fixe très faible lui conserve ces avantages tout en améliorant la qualité de ses images. On peut même ajuster la mise au point pour de bon sur l'hyperfocale, ce qui augmente grandement sa précision à courte distance.

Les caméras électroniques mesurent automatiquement le temps de pose et la luminosité selon certaines préférences. Finalement, il suffira d'appuyer sur le bouton pour obtenir une photographie remarquable. Ce n'est pas nécessairement ce que souhaitent les photographes chevronnés, mais c'est ce que souhaitent la plupart des gens. On peut espérer que le rendement de ces caméras sous un faible éclairage s'améliore suffisamment dans l'avenir. Alors une pupille d'entrée de 1,5 mm seulement permettrait de réaliser d'excellentes photographies sans allonger indûment le temps de pose.

Le cinéma aussi se débarrassera bientôt de la pellicule et il deviendra électronique. Parce qu'il privilégie depuis longtemps les écrans très larges de type Panavision avec un rapport de 2,35 : 1, il aurait tout intérêt à adopter le champ cylindrique. La TV à haute définition avec ses 1080 x 1920 pixels devrait faire de même. Les écrans devraient idéalement être cylindriques et concaves, mais ce n'est pas vraiment nécessaire.

Une pupille de 1,5 à 2 mm.

C'est un rêve illusoire, mais supposons que les manufacturiers arrivent un jour à produire des caméras électroniques mille fois plus sensibles à la lumière. Dans ce cas, les photographes seraient libérés de l'obligation d'avoir à ouvrir leur lentille d'une manière excessive.

Il y a deux raisons. En règle générale (mais pas toujours) ils souhaitent obtenir la plus grande profondeur de champ possible. De plus, on sait que la précision des lentilles photographiques diminue de manière radicale à grande ouverture, surtout dans le cas des lentilles grand angle. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à calculer leur résolution à partir de la bague de profondeur de champ. Vous trouverez probablement des valeurs entre 0,05 et 0,075 mm pour le cercle de moindre confusion alors que le disque d'Airy à ƒ/ 2 fait moins de 0,003 mm. Cela signifie que l'image pourrait être 25 fois plus précise si la lentille était parfaite !

Le calcul montre que pour atteindre cette perfection, les fabricants devraient privilégier une pupille d'environ 1,5 à 2 mm sur leur caméra grand angle et une ouverture relative très élevée d'au moins ƒ/ 50. Il s'agit en fait de récupérer les avantages du sténopé. Ces chiffres dépendent en effet de l'angle de champ de la caméra comparé au nombre de pixels qu'ils souhaitent obtenir. Le calcul est relativement simple : il suffit de mesurer la surface de l'image utilisable et de voir combien elle peut contenir de disques d'Airy ou de demi-disques selon la limite de Dawes. Voyons donc ces pixels.

Entre 2 et 6 mégapixels.

La tendance actuelle pour les images numériques semble se stabiliser autour de 4 mégapixels, ce qui permet par exemple de produire une image qui remplit facilement l'écran d'un téléviseur à haute définition (1080 x 1920 = 2 mégapixels). Ce standard est excellent et il arrivera un jour à s'imposer. On peut aussi raisonnablement croire (ou espérer) qu'il sera adopté par les fabricants d'ordinateurs, de sorte que les écrans des ordinateurs seront tout simplement des téléviseurs HD plus petits.

Dans ce contexte il y a gros à parier que les caméras électroniques pour le cinéma adopteront aussi ce standard au minimum, tout dépassement étant le bienvenu. Les DVD actuels sont insuffisants. De plus, il est évident que les gens voudront visionner leurs « films » ou leurs photographies sur leur téléviseur ou sur leur ordinateur, les images imprimées devenant moins intéressantes à cause de leur faible contraste.

Si tout se passe de cette manière, la projection cylindrique sera nettement avantagée, et les deux appareils montrés ci-dessous pourraient devenir populaires à cause de leur simplicité, leur précision sans reproche et leur profondeur de champ exceptionnelle.

Voici donc deux modèles de « sténopés à lentille » parmi d'autres que j'ai proposés :

 

 

Le « sténopé » à lentille double ménisque.

La lentille double ménisque est achromatique parce que l'effet de prisme du premier élément est annulé par le deuxième. Elle est pratiquement exempte de coma et d'astigmatisme à une telle ouverture à cause de sa structure pratiquement concentrique.

Ainsi le disque d'Airy demeure acceptable sinon parfait quel que soit l'angle de champ, qui peut atteindre facilement et même dépasser 90°. Certaines caméras du début du 20e siècle étaient construites un peu de cette manière mais leurs performances étaient décevantes à cause du film peu précis et peu sensible.

Il s'agit bel et bien d'un « sténopé à lentille », car il faudrait adopter une ouverture relative d'environ ƒ/ 50 ou plus, dépendant de l'angle de champ vertical. La partie ombrée montre les zones où la mise au point est bonne. On peut constater que même si la surface photosensible apparaît droite en élévation, elle demeure à l'intérieur de cette zone. Sur un plan horizontal cette surface est cylindrique de manière à coïncider avec les pointillés, qui correspondent à l'hyperfocale. 

Une pupille d'entrée dont le diamètre fait un seul millimètre peut tout juste satisfaire les exigences d'un écran de TV haute définition (1080 x 1920 pixels, soit 2 mégapixels). La focale ne serait que de 50 mm à ƒ/ 50. On peut obtenir facilement 6 mégapixels sur 90° avec une pupille de 2 mm, mais la focale devrait plutôt être de 200 mm à ƒ/ 100 pour un même angle de champ vertical. La profondeur de champ serait à peine réduite. Dans ce cas, le « sténopé à lentille » devrait donc être quatre fois plus grand, mais les professionnels apprécieraient certainement que le dos de la caméra soit équipé d'un écran plus grand. Un tel écran à haute définition permet de mieux visionner les images, aussi bien avant qu'après la prise de vue.

Impossible de faire de meilleures images.

On peut penser que même dans un avenir éloigné, il ne sera jamais possible d'obtenir de meilleures images, à des poussières près. Il sera par contre très possible d'obtenir les mêmes images à l'aide de la lentille « Oeil d'aigle » montrée à la page sur la courbure de champ. Dans ce cas les caméras pourront être vraiment minuscules, leurs dimensions étant réduites à aussi peu qu'un centimètre ou deux..

Toutefois mes plus récentes analyses du disque d'Airy montrent qu'il faudra éviter les ouvertures relatives de ƒ/ 1 ou moins. En effet, et bien que ceci ne soit guère souligné par les opticiens, tout indique qu'elles  conduisent à une perte de contraste parce que la luminosité relative des anneaux augmente alors d'une manière catastrophique. On le réalisera seulement lorsque les dimensions des pixels électroniques atteindront 0,001 mm, ce qui n'est pas pour demain.

Un gaz lourd comprimé ?

Mon ouvrage Optique des Miroirs proposait de faire les ménisques parfaitement concentriques et de les remplir d'un gaz comprimé. En effet la bulle de gaz agit comme une lentille convergente, mais surtout elle le fait uniformément quel que soit l'axe considéré. À cause du nombre d'Avogadro, un gaz lourd est préférable car il permet de limiter la pression. Une telle lentille serait exempte de toute aberration. On pourrait même ajuster la mise au point en variant la pression. Le seul point que je n'ai pas encore éclairci concerne l'indice de dispersion d'un tel gaz, que je n'arrive pas à connaître, et qui pourrait se révéler incompatible avec celui du verre des ménisques.

À pression plus faible ce système pourrait aussi servir de correcteur d'aberration de sphéricité dans un télescope de type « Schmidt » à miroir sphérique. C'est l'équivalent d'un correcteur de type ménisque concentrique (donc la version de son inventeur Bouwers et non celle de Maksutov). Le gaz comprimé a pour effet d'annuler l'effet divergent du ménisque, ce qui annule l'aberration chromatique. Mais l'immense avantage de ce système, c'est qu'il fonctionne parfaitement quel que soit l'angle de champ parce que tous ses éléments incluant le miroir sont sphériques et concentriques. 

C'est donc le Schmidt ultime.

À moins que quelqu'un n'ait revendiqué cette idée, je prétends que c'est l'une de mes nombreuses inventions. Elle n'est pas brevetée mais elle figure dans mon livre, qui est protégé par un droit d'auteur.

 

La caméra « Mercator ».

Peu de gens savent que le cristallin de l'œil agit très peu en tant que lentille. Il agit surtout en modifiant le rayon de courbure de la cornée, qui est convexe. Par exemple, une simple bille de verre optique parfaitement sphérique agit comme une lentille pourvu que son centre soit muni d'une pupille. On peut mettre à profit ce principe en construisant une petite caméra tout à fait remarquable faite d'un seul bloc de plastique léger (un modèle plus grand serait trop lourd).

Il faudrait plus exactement coller deux éléments de plastique transparent de chaque côté d'un iris de 1 mm, qui se trouverait scellé définitivement à l'intérieur. La face avant doit être convexe et la face arrière, cylindrique. De cette manière la lumière converge dès qu'elle pénètre dans la lentille. Elle n'en sort plus, la surface photosensible électronique étant collée (et bien protégée) sur la face cylindrique.

Même si la pupille est scellée dans la matière plastique, je présume qu'il est possible d'inventer un diaphragme à cristaux liquides inséré dans la pupille. Un diaphragme peut en effet se révéler très utile au besoin.

L'aberration chromatique n'est pas nuisible avec une pupille aussi petite. À cause de la structure concentrique il n'y a pas de coma ni d'astigmatisme. Ainsi le disque d'Airy demeure intact quel que soit l'angle de champ. Pour le reste le fonctionnement de cet appareil est identique à celui du précédent.

Cet appareil pourrait être une autre de mes inventions, mais parce que ce concept est très simple, je ne gagerais pas là-dessus. D'ailleurs des tas d'inventions ne sont pas connues. La plupart ne sont ni brevetées ni utilisées. Beaucoup sont disparues, oubliées, et les autres dorment simplement sur des tablettes, quelque part.

J'ai pu vérifier que les brevets d'invention n'étaient qu'une taxe sur l'imagination, d'ailleurs horriblement chère. Ils ne profitent que rarement à leur auteur.

 

L'APODISATION

La pupille de 1,5 ou 2 mm pourrait être portée à 3 ou 4 mm à la condition de l'apodiser. Ce terme signifie qu'elle devrait être munie d'un filtre qui élimine progressivement la lumière en périphérie, idéalement selon la courbe bien connue en forme de cloche, appelée « distribution normale ». La formule (approchée) de cette courbe est indiquée ci-dessous. Il faut savoir que c'est le mathématicien Denis Poisson qui fut à l'origine de cette distribution dite de Gauss-Laplace. 

Le filtre produirait un disque lumineux sans les anneaux (voir plus bas), lui aussi réparti en lumière selon la distribution normale. Tout indique que la qualité des images en serait sensiblement améliorée. Mon programme montre qu'on peut obtenir un effet comparable en réduisant plutôt la lumière selon un triangle isocèle amputé horizontalement de sa pointe supérieure et verticalement de ses deux pointes inférieures.

On obtient la quasi-perfection en limitant la courbe véritable au point x = +/ 3, y = 0,016 tel que montré ci-dessous avec la formule requise. Au-delà de ce point le diamètre nécessaire serait excessif sans gain additionnel appréciable :

 

 

S'il y a des anneaux, le disque central ne contient que 83,78 % de la lumière. L'apodisation a pour effet de récupérer toute la lumière manquante, mais le disque obtenu est alors plus grand. C'est pourquoi il faut doubler ou même tripler le diamètre de la pupille pour compenser. Tous les textes consultés déconseillent cette méthode, mais ce n'est pas du tout ce que mes analyses indiquent. Elle est effectivement impraticable dans le cas des télescopes, non seulement parce que leur diamètre devrait être considérable, mais aussi parce que la présence d'une obstruction centrale s'il s'agit d'un télescope à miroir est alors encore plus dommageable. Elle est tout aussi impraticable s'il y a un diaphragme à iris.

On a fait de nombreuses études à ce sujet, mais le cas des  « sténopés à lentille » à pupille fixe est très particulier. En effet la pupille est très petite, sans diaphragme et sans obstruction. Alors le fait d'accroître son diamètre et de l'apodiser ne devrait pas poser de problèmes. On montre ci-dessous la différence entre un disque d'Airy normal et un « disque de Poisson ».

 

À gauche, le disque d'Airy entouré d'anneaux ; à droite, le « disque de Poisson ».

 

Ainsi, non seulement la précision et le contraste de l'image devraient en être améliorés, mais rien n'indique que la profondeur de champ (qui on l'a vu atteint un maximum) devrait en souffrir. On peut facilement l'expliquer en montrant que si elle est répartie selon ce qu'il est convenu d'appeler le disque de Poisson, la plus grande partie de la lumière s'en trouve concentrée beaucoup plus près de l'axe d'un faisceau lumineux.

Certains diront que le jeu n'en vaut pas la chandelle, mais ce serait une erreur. Par exemple, toutes les lentilles de bonne qualité sont recouvertes d'un antireflet. Si l'apodisation procure un gain comparable, on l'adoptera certainement un jour. 

Elle a d'ailleurs un autre avantage : si l'image est hors foyer, les anneaux demeurent absents. La lumière n'est jamais dispersée au-delà du disque lui-même, dont les dimensions augmentent toutefois, bien évidemment. Or sans apodisation, ce sont plutôt les nombreux anneaux, dont certains sont très loin du disque, qui s'en trouvent accentués. Alors non seulement l'image est floue, mais à cause de l'effet de diffusion son contraste en est beaucoup plus affecté localement. Il se peut que je me trompe à ce sujet car je n'ai pas les moyens techniques de le vérifier.

Une erreur volontaire.

L'Internet montre qu'il existe de très nombreux adeptes du sténopé.

On aura beau leur dire que les caméras électroniques font des images plus précises, ils continuent de se passionner pour cette caméra étrange.

Et le pire, c'est qu'ils ont raison.

 

 

Gabriel LaFrenière,

Bois-des-Filion en Québec.

Dernière mise à jour le 22 mai 2006.

Sur l'Internet depuis septembre 2002.

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Courrier électronique : veuillez consulter cet avis.

La théorie de l'Absolu, © Luc Lafrenière, mai 2000.

La matière est faite d'ondes, © Gabriel Lafrenière, juin 2002.

Optique des miroirs, © Gabriel Lafrenière, juillet 2001. ISBN 2-9806972-2-2

 

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